Cybercriminalité et délinquance : Le projet ProSICC, une issue aux jeunes condamnés

Le mercredi 18 juin 2025 marque une étape cruciale pour la jeunesse béninoise en difficulté. Sylvain Sewa, président de l’ONG Havre d’Espérance, a présenté le Programme de Soutien à l’Insertion et à la Citoyenneté des Condamnés (ProSICC) à Monseigneur Roger Houngbédji, archevêque de Cotonou et président de la Conférence Episcopale du Bénin. Un projet ambitieux, soutenu par l’Institut Ludopédagogique du Québec, qui vise à offrir une seconde chance aux jeunes condamnés pour cybercriminalité et délits mineurs.
« L’enfermement ne doit pas être une fin, mais une étape vers la reconstruction », a souligné Sylvain Sewa lors de son allocution. Le ProSICC, placé sous la tutelle du Ministère béninois de la Justice, s’étalera sur 10 ans (2025-2035) avec une phase pilote de deux ans. Structuré en trois axes majeurs, il propose : Avant l’incarcération (Prévention et orientation pour éviter l’engrenage judiciaire) ; Pendant la détention (Alphabétisation, formations professionnelles (agriculture, numérique, restauration…) et soutien psychosocial ; Après la libération (Accueil en centres de transition, insertion professionnelle et accompagnement entrepreneurial). A l’en croire, l’objectif est de transformer les prisons en espaces de formation plutôt qu’en lieux de marginalisation. « Ces jeunes ne sont pas irrécupérables. Avec les bons outils, ils peuvent redevenir des acteurs positifs de la société », a insisté Sewa.
L’Église catholique, partenaire clé de la réinsertion
Consciente de l’importance d’une approche communautaire, l’équipe du ProSICC a sollicité l’appui de l’Église, actrice historique de la justice sociale au Bénin. « Votre présence dans les lieux de souffrance et votre réseau paroissial font de vous un allié indispensable », a déclaré Sewa à Mgr Houngbédji. Il poursuit : « C’est pourquoi nous sollicitons votre adhésion officielle au ProSICC en tant que partenaire moral, spirituel et communautaire, à travers : La sensibilisation contre la stigmatisation des anciens détenus ; L’implication des paroisses et structures sociales dans l’accueil et l’encadrement ; Le soutien à la médiation communautaire et familiale ; La présence pastorale dans les centres de transition, pour accompagner spirituellement ces jeunes en reconstruction ». Votre appui dira-t-il « peut donner un ancrage local fort et crédible à ce programme. Nous ne venons pas ici avec un simple projet technique. Nous venons avec une conviction profonde : Que nos prisons peuvent devenir des espaces de renaissance, Que chaque jeune peut redevenir acteur de sa vie, Et que l’Église, en s’engageant, peut insuffler une espérance concrète dans les parcours de réinsertion. Ce que nous construisons ensemble, c’est plus qu’un programme : c’est une œuvre de justice et de miséricorde. Nous espérons pouvoir avancer à vos côtés, et vous remercions chaleureusement pour votre écoute ». Avec plus de 60% de la population béninoise âgée de moins de 25 ans, les enjeux de délinquance et de chômage sont criants. Le ProSICC représente une alternative audacieuse aux méthodes répressives classiques. « Ce n’est pas qu’un projet technique, c’est une œuvre de justice et de miséricorde », a insisté Sewa.
Le Président de la Conférence Épiscopale du Bénin, dans sa réponse, a félicité les initiateurs de ce programme social, tout en les remerciant d’avoir ciblé la jeunesse, qui constitue le fer de lance de tout pays. Il a salué cette action sociale, reconnaissant que « la lutte contre la cybercriminalité représente un défi majeur que nous devons relever ensemble », a-t-il souligné. Il a également exprimé le souhait que ce programme puisse atteindre une envergure nationale, ce qui nécessiterait, selon lui, l’implication indispensable de l’État. Sur-le-champ, il a fourni les contacts des responsables des structures susceptibles d’accompagner le projet, à savoir : l’IAJP (Chant d’Oiseau), l’Enseignement Catholique et la Caritas Diocésaine, afin d’établir une collaboration efficace. Enfin, le prélat a promis de soutenir le programme par tous les moyens pour en assurer la réussite.

Prochaines étapes : Impliquer l’État et les leaders religieux
Élie Rodrigue Belogoun, président de l’Institut Ludopédagogique du Québec, s’est réjoui de l’accueil favorable de l’Église. « Le soutien moral et spirituel de la Conférence Episcopale est acquis. Mais nous devons aussi convaincre l’État, car sans son implication, aucun projet pérenne ne peut aboutir », a-t-il expliqué tout en ajoutant : « La prochaine étape consiste à poursuivre la construction, car que ce soit l’école ou les prisons il s’agit de services régaliens. Lorsque l’État ne s’implique pas ou ne soutient pas, ces genres d’initiatives perdent en crédibilité et en impact. C’est pourquoi nous œuvrons actuellement à aller à la rencontre de certaines institutions, notamment les structures régaliennes comme les préfectures, les ministères concernés, l’Agence pénitentiaire du Bénin et bien d’autres. Nous irons également à la rencontre des imams ». Personne ne sera laissé de côté car se convint-il « Il faut tout un village pour élever un enfant ». Après cette phase, il annonce qu’il aura l’organisation de tous les acteurs de forum. Pour reprendre les mots de Jean Bodin, prix Nobel d’économie : « Il n’y a de richesse que d’hommes ». « Grâce à l’alliance entre ONG, Église, d’autres partenaires et État, le Bénin pourrait devenir un modèle de justice réparatrice en Afrique », espère Élie Rodrigue Belogoun.
Damien TOLOMISSI