Coup d’accélérateur à la mécanisation agricole : L’élevage en souffrance
Le Conseil des ministres de ce mercredi 17 juillet 2024 vient d’annoncer le déblocage de 21 milliards de francs CFA dans le cadre de la mécanisation agricole. Cette somme servira à acheter des tracteurs et accessoires au profit des cultivateurs.
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne des efforts de l’État depuis plus de 15 ans lorsque le régime précédant celui de Patrice Talons a fait de la mécanisation le pivot de sa politique agricole. Il avait alors installé à Ouidah une usine de montage de tracteurs dont les pièces étaient essentiellement importées.
Le résultat de ces efforts est désormais visible sur le terrain. Dans les grandes zones de production de coton et de maïs, le tracteur est devenu un équipement quasiment à la portée de tous. La disponibilité de ces machines a réduit la pénibilité du travail qui, naguère se faisait à la main et, au mieux à la charrue tirée par les bœufs. Cela a permis l’augmentation exponentielle des superficies emblavées et à l’élévation du niveau de vie des paysans et à l’autosuffisance alimentaire du pays.
Mais si le Bénin n’a désormais plus besoin d’importer une bonne partie de ce que les habitants consomment, ce n’est pas le cas en ce qui concerne le lait. Alors que le cheptel bovin est important dans le pays, c’est par bateaux entiers que le lait est débarqué au port, souvent en provenance de pays aussi lointains que la Nouvelle Zélande située à plus de 20.000 kilomètres.
En fait, qu’il s’agisse du régime Yayi Boni ou de celui de Patrice Talon, aucun n’a mis en place une véritable politique de promotion de l’élevage et de la production laitière. Au contraire, les terres sur lesquelles les éleveurs paissaient leur bétail sont de plus en plus accaparées par les agriculteurs. Les couloirs de transhumances tracés depuis les années 1970 ont tous disparu. Du coup, il est désormais fréquent qu’un berger qui avait l’habitude de passer par un chemin tombe subitement sur un champ. Ce qui provoque des conflits souvent mortels.
Et pourtant, la viande et le lait sont tout aussi importants que le maïs et l’igname ou le manioc. Malheureusement, beaucoup de Béninois perçoivent l’éleveur et ses bovins comme une nuisance qu’il faut empêcher de venir dans leur pays. Ils ne sont pas nombreux à savoir que le lait concentré ou en poudre qu’ils apprécient tant au petit déjeuner ainsi que le yaourt proviennent des vaches semblables à celles qu’ils détestent voir dans leur environnement. Et c’est à peine s’ils n’ignorent pas que le fromage dont ils raffolent est fait à partir du lait de vache.
Faire de la filière bovine une priorité au même titre que l’agriculture n’est pas contradictoire. Au contraire, les deux sont complémentaires, comme cela se voit dans d’autres pays.
Pierre MATCHOUDO