Chicha au Bénin : Plaisir toxique, dangers ignorés

Interdite au Bénin mais réapparue dans les bars et lieux publics, la consommation de chicha séduit de plus en plus de jeunes, malgré ses dangers équivalents à 30 cigarettes par session. Entre ignorance, effet de mode et risques sanitaires graves, ce phénomène inquiétant mérite une prise de conscience collective.
À Cotonou et dans d’autres villes, les « chicha-bars » prolifèrent, attirant une clientèle jeune, masculine comme féminine. Marcel Ola, un habitué, confie : « Après le travail, je viens pour me détendre, seul ou entre amis. » Abdoul, gérant d’un établissement, confirme cette tendance : « Les week-ends, l’affluence explose. Certains louent même des pipes pour usage à domicile. » Pourtant, derrière cette pratique socialement acceptée se cache une réalité alarmante. Le sociologue Aimé Tcheffa identifie quatre motivations principales : « L’ignorance car beaucoup sont-ils à croire à tort que la chicha est « moins agressive » que la cigarette grâce à ses arômes fruité ; La substitution, 27 % des fumeurs pensent éviter les risques du tabac en optant pour la chicha ; L’effet de mode c’est à dire 12 % suivent la tendance par conformisme social. Et le prestige parce qu’une minorité (4 %) l’utilise pour afficher un statut financier ».
Des risques sanitaires sous-estimés
Mathilde ne trouve pas d’inconvénients à la pratique et pense même que cela permet de se libérer de la fatigue. Egalement pour Alfred, « La chicha n’est pas mauvaise, ce n’est pas la drogue mais simplement une boisson qui permet une bonne digestion ». Il précise qu’il en prend au minimum trois ou quatre fois dans la semaine et qu’il se sent bien après chaque séance. Mais les avis sont partagés. Yves O. pense que : « C’est une pratique qui n’est pas digne d’un responsable ». Pour lui, les jeunes devraient savoir ce qui leur est utile et éviter de nuire à leur propre santé. Lafia Kamel, médecin cardiologue qualifie la chicha de « mort à vitesse lente ».
Dans une émission radiophonique, il révèle que « comme toute substance qui brule, la chicha contient près de quatre milles (4.000) substances toxiques. Les aromes sont présents plus pour leurs effets trompeurs, parce que c’est sucré et ce qui est sucré n’est pas méchant ; c’est justement ça qui trompe ». Il ajoute que derrière cet effet trompeur, les conséquences sont « terribles et dramatiques ».
Selon le docteur Lafia, la chicha compote plusieurs stupéfiants dont la nicotine, le monoxyde de carbone et le goudron. C’est donc dire que rien n’éloigne la chicha de la cigarette car on y retrouve pratiquement les mêmes substances nocives. Le cardiologue affirme que « La chicha est une drogue qui finit par rendre dépendant un peu comme la cigarette » parce que contenant de la nicotine.
Le médecin énumère quelques maladies causées par la chicha. « Le premier danger est le cancer du poumon. La cigarette est l’une des causes voire la première cause du cancer du poumon, ce qui est normal car lorsqu’on inhale la fumée, ça va dans le poumon. Il y a aussi les maladies du cœur qui tuent une personne toutes les deux secondes. La chicha crée également des troubles au niveau du cerveau et des dégénérescences »
Alors que, selon l’étude dont se réfère le sociologue Aimé Tcheffa, 19% des fumeurs sont des femmes, le médecin Kamel affirme que c’est très dangereux en période de grossesse. « Tous les organes de la femme peuvent être touchés : l’estomac, le foie, le rein, mais c’est surtout les cancers et les maladies du cœur et des vaisseaux que cela provoque ». A l’en croire, une bouffée de chicha fait à peu près dix cigarettes. « Quand vous faite une session de chicha, ça vous fait entre trente et quarante cigarettes consommées. Ce qui représente un danger même pour les noms fumeurs quand ils sont proches des fumeurs ». Le partage de la pipe expose aussi les amateurs de la chicha à des maladies hépatiques.

Un phénomène à combattre par l’éducation
Pour le sociologue Tcheffa, ce fléau relève d’un manque criant d’information. Léonce A., enseignant, déplore : « Ces jeunes ne cherchent pas à connaître les dangers. » Pourtant, les campagnes de sensibilisation restent rares. Il suffit désormais de Renforcer les lois en les appliquant strictement l’interdiction et sanctionner les établissements. Accentuer la sensibilisation via les médias et écoles, expliquer que « aromatisé » ne signifie pas « inoffensif ». Encadrer les espaces publics en limitant l’accès et promouvoir des alternatives saines. Face à l’urgence sanitaire, les autorités et la société civile doivent agir avant que cette mode ne devienne une épidémie. Comme le résume le Dr Kamel : « Ce qui est sucré n’est pas méchant ? C’est justement ce qui trompe. »
LA REDACTION