Chefferie traditionnelle : Royaume Saxè ou la double injustice

L’Assemblée nationale du Bénin a adopté presque à l’unanimité, jeudi 13 mars dernier, une loi révolutionnaire encadrant la chefferie traditionnelle. Cette législation était attendue, car le pays faisait face à un phénomène étrange : un nombre de rois plus élevé que celui des royaumes.
Cependant, loin de marquer un progrès salutaire, cette loi a laissé un goût amer chez de nombreux Béninois, en raison de son caractère exclusif et de la manière dont elle a été conçue. En effet, plusieurs royaumes jadis puissants et prospères ont été purement et simplement supprimés, suivant une méthodologie discutable, voire intentionnellement discriminatoire. C’est notamment le cas du royaume de Saxè, aujourd’hui englouti dans les villes de Ouidah, Kpomassè et leurs environs.
Bien que les experts commis par le gouvernement aient pris comme référence l’année 1894, date de la création du Dahomey et Dépendances, dans un souci de stabilité et de viabilité, cela soulève une question fondamentale : faut-il en conclure qu’un royaume disparait définitivement dès qu’il est conquis ? Certes, le royaume de Saxè n’a pas existé sous sa forme initiale depuis plus d’un siècle, après avoir été conquis en 1727 par Abomey, détruit et ses habitants dispersés. Toutefois, cette logique de suppression totale semble problématique.

Une loi de cette envergure ne devrait-elle pas contribuer à la réconciliation et à la préservation de la mémoire collective, en favorisant la cicatrisation des blessures du passé et la cohésion sociale ? Le royaume de Saxè subsiste aujourd’hui dans les cœurs de ses descendants, dispersés à travers le Bénin, notamment à Porto-Novo, Ouidah, mais aussi au-delà des frontières. L’exclusion de ce royaume d’un dispositif législatif qui devrait être inclusif est donc une forme de double peine.
Quoiqu’on en dise, il est impossible d’effacer l’existence d’un royaume aussi florissant, et ses communautés perdurent dans la mémoire collective des Béninois. De plus, cette existence est corroborée par de nombreuses preuves archéologiques, historiques et littéraires. L’effacement symbolique de Saxè au nom de critères d’ancienneté ou de conquêtes oubliées ne fait qu’entretenir une fracture entre le passé et le présent, et entre les différentes communautés du Bénin.
Par S. B. A.