Chef de file de l’opposition au Bénin : Un poste fantôme malgré la loi

 Chef de file de l’opposition au Bénin : Un poste fantôme malgré la loi

Qui est le nouveau chef de file de l’opposition ? Plusieurs diront que c’est Boni Yayi au regard de la loi mais l’attente se fait longue d’une reconnaissance formelle en tant que chef de file de l’opposition au Bénin. Pourtant, les textes sont clairs, les faits aussi. Mais dans la pratique, le doute plane, et l’État reste silencieux.

En effet, le député Eric Houndété a quitté la tête du parti ‘’Les Démocrates’’ lors du premier congrès ordinaire du parti tenu à Parakou les 14 et 15 octobre 2023. Par conséquent, en quittant la présidence de cette formation, ce dernier perd aussi son titre de chef de file de l’opposition. Et pour cause, selon l’article 8 alinéa 1 de la loi portant statut de l’opposition, « est chef de file de l’opposition, le chef du parti politique déclaré de l’opposition, ayant le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale à l’occasion des dernières élections législatives ». Ce qui revient de droit à l’ancien Chef de l’Etat, Boni Yayi, précédemment président d’honneur de cette formation politique, qui a pris la présidence à l’issue du congrès de Parakou en 2023. Ce qui fait de lui, le nouveau chef de file de l’opposition.

Les faits

Tout commence en juin 2023, lorsque le président du parti Les Démocrates, Éric Houndété, affirme que le chef de l’État l’a désigné comme chef de file de l’opposition. Une déclaration d’abord accueillie avec prudence, puis confirmée en décembre de cette même année par le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji. Celui-ci reconnaît publiquement que, conformément à la loi et aux résultats des législatives de janvier 2023, Éric Houndété incarne logiquement cette fonction.

Mais un détail de taille manque à l’appel : le décret officiel. Contrairement à Paul Hounkpè, précédemment nommé par décret n°2021-183 du 28 avril 2021, aucun acte administratif n’a été rendu public pour entériner la nomination de Houndété. Depuis, plus rien. Aucun signe d’attribution des prérogatives prévues par la loi : pas de bureau, pas de moyens logistiques, pas de rôle institutionnel. Rien avant que Boni Yayi ne prenne la tête du Parti Les Démocrates.

Selon les explications du porte-parole du gouvernement sur l’émission ”90 minutes pour convaincre” de Radio Bénin en décembre 2023, malgré son élection comme président du parti Les Démocrates, le président Boni Yayi ne devient pas d’office le chef de file de l’opposition car il y a une procédure en la matière. « Il y a un décret qui a été pris pour nommer M. Houndété. Maintenant, le parti peut signaler le changement de ses organes en disant qu’il faut que ce soit le président Boni Yayi, ou bien on demande qu’on maintienne Houndété. Sinon, au jour d’aujourd’hui, c’est M. Houndété qui demeure chef de file de l’opposition », avait affirmé Wilfried Léandre Houngbédji. Même si le décret nommant Houndété reste introuvable à ce jour, il porte le titre et ne peut en être défait que sur demande du parti Les Démocrates. Reste à savoir si le parti avait demandé que Houndété garde ce titre pendant que Boni Yayi reste le président du parti.

Silence radio depuis

A mesure que le temps passe et que l’actuelle législature s’achemine vers sa fin, l’opinion publique se pose de plus en plus de questions. Pourquoi tant de lenteur dans un processus que la loi encadre clairement ?  Alors que certains craignent une instrumentalisation politique du poste, d’autres y voient une faille dans le fonctionnement de l’appareil étatique. Si le décret existe, pourquoi ne pas le publier ? Et s’il n’existe pas, qu’attend le gouvernement pour respecter la loi ?

Dans un pays qui revendique sa maturité démocratique, le respect des institutions passe aussi par la reconnaissance pleine et entière de l’opposition. Il ne suffit pas de proclamer une nomination : il faut l’acter. Donner au chef de file de l’opposition ses moyens, son cadre, son poids politique. Ce n’est pas un privilège, mais un droit inscrit dans les textes. Relativement à l’application des lois au Bénin, Paul Hounkpè avait déjà déploré cela. C’était en octobre 2023, lors de l’ouverture des travaux de l’atelier de formation des membres du bureau politique de son parti Force cauris pour un Bénin émergent, il a  dénoncé  rapporte Banouto l’application à double vitesse des lois au Bénin. « On ne doit pas appliquer certaines lois parce qu’elles nous arrangent et laisser celles qui ne nous arrangent pas », a fustigé Paul Hounkpè. Le premier responsable du parti d’opposition FCBE a notamment mis l’accent poursuit la même source sur la loi portant statut de l’opposition en République. Paul Hounkpè a laissé entendre que cette loi n’a pas été appliquée tout le temps qu’il a été chef de file de l’opposition béninoise. « Depuis, on ne veut pas appliquer la loi relative au chef de file de l’opposition. On a pris un décret mais jamais un décret d’application », a critiqué le premier responsable de la FCBE tout en espérant que les choses vont bouger pour son successeur.

Pour l’heure,  le Bénin dispose d’un chef de file sans attributs. Et la démocratie béninoise, elle, donne l’impression de tourner à vide sur ce chapitre.

Damien TOLOMISSI

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