CATF Afrique : Co-créer l’avenir énergétique
Une délégation d’experts du Clean Air Task Force (CATF) Afrique vient d’entreprendre une mission de dialogue et de prospective dans trois pays d’Afrique de l’Ouest. Dirigée par le Docteur Dato Prudence, Économiste en Chef, elle comprend Docteur Michael Adu Okyere, responsable des politiques régionales, Docteur Michael Dioha, chercheur principal en énergie, et Brian Mukhaya, chargé de programme. Leur parcours les a déjà menés au Bénin du 24 au 28 novembre puis au Togo du 1er au 5 décembre, et enfin ils seront au Nigeria du 8 au 12 décembre. L’objectif est de rencontrer les principaux acteurs des secteurs de l’énergie, de l’environnement, du changement climatique et du développement.
Conscients que les défis contemporains exigent des réponses ancrées dans la réalité et l’innovation, les membres de la délégation ont également pris soin d’inclure dans leur agenda des rencontres avec des universités et des centres de recherche. Il s’agit d’explorer des opportunités de collaboration fructueuse, car CATF place la recherche appliquée au cœur de sa méthode.En effet, Clean Air Task Force est une organisation mondiale à but non lucratif dédiée aux enjeux énergétiques et environnementaux. Son plaidoyer et ses actions visent à accélérer les évolutions technologiques et politiques indispensables pour construire un avenir à la fois prospère, sobre en carbone et accessible à tous.
L’ambition est de parvenir à une planète à zéro émission, mais sans renoncer à une énergie abondante et abordable. Pour y parvenir, CATF mise sur un mélange puissant de recherche rigoureuse, d’analyse prospective, de plaidoyer public et de partenariats stratégiques avec le secteur privé. Cette approche multidimensionnelle a pour effet de catalyser le développement et le déploiement à grande échelle de technologies énergétiques bas-carbone à travers le monde. L’expertise de l’organisation est vaste, couvrant la modélisation des systèmes électriques et une maîtrise approfondie de plusieurs filières, du gaz naturel à la géothermie, de l’énergie nucléaire (fission et fusion) aux énergies solaire et éolienne, en passant par les techniques de captage et de stockage du carbone. CATF a d’ailleurs joué un rôle décisif dans l’essor mondial de plusieurs de ces solutions.

Le programme Afrique de CATF s’attaque à un double défi, apparenté à une équation à résoudre : comment élargir l’accès à des services énergétiques abordables, fiables et de qualité, tout en contribuant à la décarbonation des systèmes énergétiques à l’échelle globale ? Les projets récents illustrent parfaitement cette démarche pragmatique et ciblée. Au Bénin, une étude sur la pauvreté énergétique a mis en lumière un phénomène pernicieux. Elle a analysé l’impact des coûts supplémentaires supportés par les ménages et les entreprises obligés de recourir à des solutions de secours, comme les groupes électrogènes, pour pallier les coupures et les fluctuations de voltage. Cette recherche a démontré comment ces dépenses contraintes plongent un nombre significatif d’acteurs dans la précarité énergétique, et a formulé des recommandations politiques concrètes pour mieux mesurer ce fardeau et cibler les aides financières.
Depuis 2021, CATF anime une table ronde annuelle rassemblant des dirigeants de compagnies d’électricité d’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Ces rencontres permettent d’aborder les défis communs du secteur, d’esquisser des réformes adaptées et de favoriser un précieux partage d’expériences entre opérateurs. L’édition de cette année a notamment été enrichie par la participation de Tokoudagba, directeur du SBPE au Bénin, qui a présenté les initiatives en cours pour améliorer l’accès, la fiabilité et le coût de l’électricité dans son pays. Un autre axe de travail concerne la réduction des pertes techniques et commerciales des distributeurs. En collaboration avec trois sociétés d’électricité au Ghana et en Sierra Leone, CATF a examiné comment l’intégration de solutions numériques pourrait optimiser les réseaux, améliorer l’efficacité opérationnelle et renforcer la santé financière des utilities, le tout pour un investissement raisonnable. Les résultats montrent des retours sur investissement élevés et des pistes d’action reproductibles.
Au Kenya, les travaux de CATF ont porté sur l’émergence de la mobilité électrique. En partenariat avec des acteurs locaux, une étude a évalué l’impact potentiel de l’électrification du vaste parc de motos-taxis, tant pour les conducteurs (réduction des coûts d’exploitation) que pour la compagnie d’électricité et le pays dans son ensemble (baisse des émissions et économies sur les importations de carburant). Cette recherche alimente directement le dialogue national sur la décarbonation des transports. Toujours au Kenya, CATF a aussi modélisé les impacts d’une intégration à grande échelle des énergies renouvelables variables (solaire et éolien) sur la stabilité du réseau et les coûts du système.

Ces projets s’inscrivent dans une réflexion plus large que CATF mène actuellement sur l’alignement entre les engagements climatiques et les agendas de développement nationaux en Afrique. L’objectif est double : renforcer l’efficacité opérationnelle des politiques qui lient climat et développement, et garantir une synergie réelle entre ces deux dynamiques. Parallèlement, des analyses techniques pointues sont menées, comme l’étude sur le coût moyen pondéré du capital (WACC) pour les projets énergétiques en Afrique, visant à identifier les leviers pour réduire ce coût et ainsi attirer davantage d’investissements. Une revue systématique de la modélisation des transitions énergétiques en Afrique, couvrant deux décennies de publications scientifiques, a également été réalisée pour dresser un état des lieux des connaissances et mettre en évidence le lien entre climat et développement socio-économique.
Toutes ces initiatives sont guidées par une conviction fondamentale au sein de CATF : l’approche la plus efficace est celle de la co-création. Il ne s’agit pas d’apporter des solutions toutes faites, mais d’écouter, de comprendre les contextes locaux et de construire avec les partenaires des projets structurants, alignés sur leurs priorités stratégiques. C’est dans cet esprit que la délégation engage cette tournée. Chaque rencontre, chaque discussion, vise à identifier des pistes de collaboration concrètes. L’espoir est de jeter les bases de travaux communs qui, en s’appuyant sur l’expertise de CATF et le savoir-faire local, contribueront à bâtir un système énergétique plus robuste, plus équitable et résolument tourné vers l’avenir. La mission qui après les étapes de Cotonou et de Lomé commence au Nigeria, ce 8 décembre dépasse ainsi le simple cadre d’une visite de travail mais également elle incarne une volonté partagée de conjuguer les savoirs pour relever les défis de la transition énergétique et du développement.
Damien TOLOMISSI