Détourner l’attention du peuple burkinabé sur des échecs de son régime : voilà l’objectif réel poursuivi par le capitaine Ibrahim Traoré qui, le 11 juillet 2023, a lancé des accusations sans preuves à la fois sur le Bénin et la Côte d’Ivoire.
C’est devant une foule conquise et surexcitée, le chef de l’Etat Burkinabé a déclaré, dans ce qui s’apparente à un discours de politique générale, que le Bénin abrite deux bases militaires françaises, une à Kandi et l’autre à Porga, au sein desquelles des terroristes seraient formés pour être envoyés au Burkina Faso. Bien avant lui, l’activiste béninois déchu de sa nationalité française avait fait une accusation similaire à la suite des autorités nigériennes avant de se rétracter plus tard.
Le Bénin n’était pas seul dans le viseur du capitaine burkinabé. Selon lui, la Côte d’Ivoire, pays où vivent plus de 5 millions de Burkinabés, abrite « des centres d’opérations » destinés à déstabiliser son pays. En appui à ses propos, il a affirmé qu’il détenait des preuves matérielles qu’il a promis d’exhiber le moment venu.
Comme à son habitude, le président ivoirien n’a pas réagi à ces accusations mais pour sa part, le gouvernement du Bénin a immédiatement répliqué par la voix de son porte-parole, Wilfried Léandre Houngbédji. « Les attaques terroristes enregistrées par le Bénin à ce jour, dont la grande majorité a été déjouée par nos Forces de défense et de sécurité, sont l’œuvre de gens venant de l’autre côté de nos frontières avec le Burkina-Faso et le Niger. C’est d’ailleurs ce qui a amené le Gouvernement du Bénin, dans sa stratégie pour contrer le phénomène, à construire pour compter de 2022, de petits camps militaires appelés bases opérationnelles avancées, dans plusieurs de nos communes frontalières ».
Selon les autorités béninoises, ces accusations, consécutives à celles faites par la junte nigérienne, il s’agit d’une désinformation nauséeuse « qui alimente non le patriotisme, mais plutôt la rancœur des populations et menace à terme la coexistence pacifique des peuples ».
Depuis le coup d’Etat perpétré par le capitaine Ibrahim Traoré en 2022, les problèmes sécuritaires du Burkina Faso se sont exacerbés malgré les dépenses militaires en forte augmentation. En réponse, le pouvoir s’est illustré dans des exactions où des villages entiers sont parfois massacrés parce que soupçonnés de collaboration avec les djihadistes. C’est ainsi que le 23 juin, des individus armés, identifiés comme des Forces de défense et de sécurité et des Volontaires pour la défense de la patrie (Vdp) ont fait irruption à Kari, village situé sur l’axe Dédougou/Bobo-Dioulasso (RN10), et ouvert le feu sur la population en ciblant la communauté peulh principalement composée de femmes et d’enfants.
Par ailleurs, le régime fait face à une opposition interne qui, bravant les enlèvements et les enrôlements forcés au sein des Vdp, se fait de plus en plus pressante. Après une période de peur, de plus en plus de voix dissidentes se font en effet entendre. Récemment, ce sont les magistrats qui osent ne pas donner raison à la junte dans des procès que le jeune capitaine a placé sur sa liste noire.
Dans le même temps, sur le plan économique, le Burkina Faso connait de plus en plus un isolement préjudiciable à terme à la croissance du pays. A titre d’exemple, ce pays dont la principale richesse constitue l’or de son sous-sol, a connu une baisse de 87% des investissements directs étrangers.
Face au manque de résultats sur les plans sécuritaire et économique et une opposition interne de plus en plus pressante, le régime militaire n’a trouvé autre initiative que de mobiliser ses partisans en désignant des ennemis extérieurs. En cela, il n’a pas innové. Cette stratégie est la marque de fabrique des régimes dictatoriaux en perte de vitesse. Et pour cela, il dispose d’une base faite de militants peu instruits, donc prêts à prendre ses discours pour parole d’évangile.
Pierre MATCHOUDO