Ils sont nombreux à être prolixes hier. Aujourd’hui, ont-ils les bouches cousues ? Ils ne se prononcent même plus sur les faits ou questions d’actualité. Janvier Yahouédéou, Joseph Djogbénou etc. Où sont passées ces grandes voix qui faisaient rayonner la démocratie au Bénin et en Afrique ?
« …L’histoire est la rivière qui irrigue les mythes et le compost qui fertilise les mémoires ; un peuple qui perd ses mémoires est un peuple amblyope et un peuple qui ne connaît pas son histoire est un peuple aveugle qui finit par la faire bégayer avec les mêmes errements ». Une pensée de Janvier Yahouédéou, Extrait de son livre “Crépuscule d’un dictateur” de paru en 2003, il y a donc 20 ans.
Cet extrait que le chroniqueur a lu sur un forum l’a inspiré à s’interroger sur le silence des grandes voix qui faisaient vibrer les sans-voix. Avant de parler des autres, le premier cas sur lequel le chroniqueur s’est documenté est celui de Janvier Yahouédéou. Ses cris pour la défense du peuple et les critiques de la mal gouvernance ont commencé sur une station radio, « Radio Planète » qu’il a créée en 1999, avec de célèbres émissions d’éveil des consciences comme « Bébètes infos », Kohami, etc. Mais il se faisait lui-même discret.
Sortie de l’anonymat en 2002
Comme une irruption volcanique, le nom Janvier Yahouédéou a explosé en 2002 avec la publication d’un livre incendiaire : « Les vraies couleurs du caméléon ». Pour une première fois en Afrique, un audacieux a pris la plume pour « poignarder » violemment un régime encore en place et qu’il a d’ailleurs combattu sans répit. Avec le succès connu par l’ouvrage provocateur qui avait suffisamment défrayé la chronique, d’autres livres ou tomes ont été édités pour enfoncer le clou : « Crépuscule d’un dictateur », « Etat d’urgence ». Les dinosaures de la révolution qui ont été reconvertis dans le renouveau démocratique ont reçu les livres de Janvier Yahouédéou comme des coups de marteaux sur la tête.
De la société civile à la politique
Après le départ du système qu’il étranglait, l’homme sera appelé à mettre ses idées au service de la politique. Grâce à ses nombreuses œuvres sociales dans sa région, il fut facilement élu Député en 2007 et réélu à plusieurs reprises malgré les crocs-en-jambe.
L’habitude étant une seconde nature, et malgré son adhésion à une mouvance au pouvoir, il n’avait aucune retenue à parler des scandales avec des interpellations régulières du gouvernement par des questions orales pour des explications au parlement. Trois (03) grands dossiers ont opposé Janvier Yahouédéou au gouvernement du président Boni Yayi. Bien que membre de la mouvance d’alors, il n’a pas eu sa langue en poche pour dénoncer les scandales comme les affaires « Cen-Sad », « Matériels agricoles », et le grand révélateur des dessous de l’affaire « Icc-Services ».
En 2012, Janvier Yahouédéou a engagé un nouveau combat. Celui de la lutte contre les troisièmes mandats. C’est Janvier Yahouédéou qui est l’auteur de la campagne « Touche pas à ma Constitution » avec l’affichage sur panneaux géants d’affiches avec une petite en pleurs. Des affiches détruites on ne sait par qui, 48h après affichage. Janvier Yahouédéou les a réaffichées. En 2013, répétition de cette campagne, mais cette fois-ci, avec un vieux en pleurs, les bras sur la tête.
Ce qui étonne, c’est cet engagement patriotique de cet homme qui est plutôt un technicien. Docteur en Intelligence artificielle, Ingénieur en télé-informatique, Janvier Yahouédéou est auteur de plusieurs livres techniques, devenus des best-sellers, mis au programme dans les universités européennes et qui continuent d’être en vente en librairies et en ligne depuis leurs parutions il y a plus de 30 ans. «C et Turbo C – Les Structures de Données », «Intelligence Artificielle et Bases de Données », « Techniques de programmation en C – Les Communications en série », « Les Communications en Réseaux ».
Ce prestigieux itinéraire mêlé de bravoure méritait une chronique d’interrogation sur le silence de Janvier Yahouédéou. Toutefois, l’histoire aura retenu ‘’qu’il était une fois’’, un nommé Janvier Yahouédéou, un compatriote qui après avoir titillé le général Mathieu Kérékou a également donné de l’insomnie au docteur Boni Yayi.
C’est l’un des rares hommes politiques à avoir pris trop de risques au nom de la lutte contre la corruption. Ennemi juré des « mangeons club » qui doivent naturellement avoir des griefs contre lui, il a su laisser dans les pages de l’histoire, de traces indélébiles d’un défenseur du peuple. Lorsqu’on fait un bilan partiel des vingt (20) ans de lutte menée au prix de sa vie et de son patrimoine, ne doit-on pas conclure que l’homme incarne un modèle de patriotisme pour la jeunesse ?
Sa chaine YouTube et son site internet www.yahouedeou.com d’où le chroniqueur a tiré ces quelques informations sont des mines d’informations (sur les scandales au Bénin) que j’ai découvertes et qui interpellent. Pourquoi ce silence de Janvier Yahouédéou depuis 2016 ? Amitié avec le nouveau chef de l’Etat ? N’y a-t-il plus rien à dire sur la gouvernance ? Quelles sont les raisons de sa triste éjection du système de la rupture ? Règlements de compte des conséquences de ses précédents combats ?
Les Sans-voix ont encore besoin de la voix de Janvier Yahouédéou
L’autre cas d’étonnement reste maître Joseph Djogbénou qui fut l’une des grandes figures du mouvement “mercredi rouge”. Aujourd’hui, l’homme porte un autre manteau. Est-ce parce qu’il n’y a plus de combat à faire que les subversifs d’hier sont subitement devenus des personnes soumises et dociles ?
Médice AGBEHOUNKO (Coll)