Le syndicalisme au Bénin semble renaître de ses cendres depuis la manifestation, vendredi 18 février dernier, de cinq centrales syndicales contre « la vie chère ». Mais, jusqu’où iront ces dernières dans un contexte marqué par la limitation des libertés syndicales et par la peur de nombre d’acteurs contre d’éventuelles représailles ?
Depuis plus de deux ans, ils sont restés quasi muets. Sonnés par les dispositions légales limitant leurs libertés ainsi que par la répression du gouvernement, les syndicalistes ont fait le choix de se faire oublier un temps. En effet, comme cadeau de nouvel an, ils avaient reçu, le 28 décembre 2017 et le 2 janvier 2018, deux textes de loi qui retirent le droit de grève aux fonctionnaires. Sont notamment concernés les fonctionnaires de la santé, de la justice, de l’administration pénitentiaire, ou encore les paramilitaires.
Dans la foulée, le 4 septembre de la même année, le parlement a adopté une nouvelle loi qui limite le droit de grève à dix jours au maximum par an pour tous les personnels civils de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi qu’aux travailleurs des établissements publics, semi-publics ou privés. Est également interdite toute grève de solidarité. “Toute grève qui ne respecte pas les dispositions de la présente loi est illégale et ses auteurs sont passibles de révocation ou de licenciement de plein droit”, précise ce texte qui a reçu la caution de la Cour constitutionnelle ainsi que les deux premiers.
Par ailleurs, le gouvernement a adopté un décret le 5 octobre 2016 interdisant toutes les activités de réunion, de manifestations et d’expression de toutes les fédérations, unions, associations ou organisations faîtières dans toutes les universités nationales. Après qu’il ait été déclaré nul et non avenu par la Cour constitutionnelle, il a été remplacé par un autre, le 2 octobre 2017, qui définit les modalités de collaboration des organisations estudiantines avec l’État et les autorités des universités publiques en République du Bénin.
En prélude à toutes ces mesures, des syndicalistes ont été mis aux arrêts pour différents motifs que les responsables syndicaux ne reconnaissent pas. Dans la même dynamique, des responsables syndicaux se sont plaints de harcèlement. Mais comme résultat, le gouvernement a réussi à émousser l’ardeur de ces derniers au point où, ces trois dernières années ont été caractérisés par une grande léthargie.
Malgré les craintes des uns et des autres, le gouvernement a laissé cinq centrales syndicales protester, le 18 février, contre l’inflation. Depuis, d’autres acteurs sociaux ont commencé à poser de nouvelles exigences, et même à faire des incursions dans la politique.
Mais, iront-ils jusqu’à reconquérir le terrain perdu depuis l’arrivée du président Talon en 2016 ? Quelles réponses le gouvernement prépare-t-il face à ce regain de liberté ? Seul le temps le dira.
Pierre MATCHOUDO