Patrice Talon ne veut pas s’éterniser au pouvoir comme président de la République du Bénin. L’homme l’a toujours dit, redit et répété chaque fois que l’occasion s’offre à lui. Mais visiblement certains Béninois semblent ramer à contre-courant. Ils appellent et forcent l’actuel locataire du Palais de la Marina à changer de logique, contre sa volonté et celle du peuple.
Comme les vagues de la mer, le prolongement anticonstitutionnel du pouvoir revient avec insistance vers la fin du dernier mandat de nombre de chefs d’États africains. Comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire et plus à côté au Togo, pays voisin, l’idée agite l’opinion. Au Bénin, c’est aussi le cas. Patrice Talon boucle son second et dernier mandat en avril 2026. Et à trois ans de cette échéance, des voix s’élèvent pour l’appeler à rester au pouvoir. Ils l’appellent à tordre le cou à la loi fondamentale du Bénin adoptée le 11 décembre 1990 et révisée en novembre 2019. Quand bien même il y est mentionné à l’article 47 de la nouvelle monture : « En aucun cas, nul ne peut, de sa vie, exercer plus de deux mandats de président de la République », certains se hasardent à le pousser à commettre l’irréparable. En plus d’être aberrant voire irrespectueux de la personne du chef de l’État, ces appels à un troisième mandat sont inopportuns analysent nombre de personnes.
Alors même que le peuple crie à la cherté de la vie, aux problèmes d’électricité et d’eau potable demandant plus de social, la préoccupation d’une caste, apparemment de privilégiés vivant en marge des difficultés du bas-peuple est relative à un troisième mandat anticonstitutionnel. C’est à croire que le message envoyé par les électeurs avec la forte percée de l’opposition politique au pouvoir dans certaines circonscriptions électorales lors des législatifs du 8 janvier 2023 ne leur dit rien. Mieux, l’intéressé, le Chef de l’État, n’a de cesse chanté sa bonne foi. En juillet 2021 à l’occasion de la 2è édition du sommet citoyen ouest-africain sur la bonne gouvernance, l’alternance et la démocratie tenue Cotonou, le chef de l’Etat avait déjà donné le ton. Invité d’honneur à ce sommet qui a réuni près de 150 délégués des organisations de la société civile des pays de la CEDEAO, le président de la République s’est fait précis sur le sujet. « L’évidence est claire. Limiter les mandats est à tout égard au profit du peuple. Je m’associe pleinement à votre action et je m’engage devant vous à la défendre », a ajouté Patrice Talon.
Ces déclarations de bonne intention du locataire du Palais de la Marina semblent ne pas dissuader ces soutiens aux idées rétrogrades et tordues. Si c’est un ballon d’essai. Il est déjà percé et ne devrait plus avoir les qualités pour rebondir à nouveau. C’est donc une indication pour les agitateurs et instigateurs de cette nouvelle doctrine pour revoir leur copie et se raviser. Nous savons tous que certains nervis des pouvoirs ont toujours profité de leur proximité avec des acteurs d’un système pour casser du sucre sur le dos des autres. Mais ce n’est pas pour autant qu’ils vont se donner en spectacle avec ces hideuses pensées. Le Président de la République, SEM Patrice Athanase Guillaume Talon est trop mâture et plus averti des conséquences qui découleront de la mise en œuvre d’une idée du 3e mandat. Il ne tombera dans leur piège car comme le dit un adage Fon “La honte du lézard est aussi la honte du caïman”.
Douter de la bonne foi du Président de la République est une particularité de la société béninoise. Le président Mathieu Kérékou a été victime de ce manque de confiance lorsqu’il a promis à la nation qu’il ne serait pas candidat pour un troisième mandat. Après lui, Yayi Boni a également subi le même sort malgré le fait qu’il ait invité ses pairs africains à respecter la limitation des mandats.
Théodore Holo contre un troisième mandat
« Pour avoir tenu ce genre de propos au Niger pour susciter un 3ème mandat du Président Mahamoudou Issoufou, deux jeunes de la société civile ont été condamnés à des peines de prison pour incitation à un coup d’Etat”, a rétorqué Théodore Holo, ancien président de la Cour constitutionnelle pour répondre à la sortie de Me Jacques Migan. Ce dernier membre influent d’un des partis de la mouvance présidentielle qui avait annoncé le souhait des populations béninoises de voir Patrice Talon faire un 3è mandat continue de susciter des réactions : « Le peuple voudrait que Patrice Talon continue. Les populations ne se préoccupent que de comment faire pour maintenir Patrice Talon au pouvoir afin qu’il puisse continuer l’œuvre qu’il a commencé ».
Le professeur Théodore Holo désapprouve la déclaration de l’ancien bâtonnier et souhaiterait qu’on lui applique une peine similaire à celle des deux jeunes nigériens parce que, selon ses propos, l’avocat encourage le Chef de l’Etat à orchestrer un coup d’Etat aux fins de s’offrir un 3è mandat. « Le cas Tandja (NDLR ancien président du Niger) qui a voulu réviser la Constitution pour proroger son mandat contre l’opposition de la Cour constitutionnelle qu’il a dissoute est présent dans la mémoire collective au Niger. Nul n’étant immortel, il est indécent de penser qu’un Président doit demeurer au pouvoir pour continuer l’œuvre commencée”, a-t-il écrit.
Pour rappel, lorsqu’en mai 2018 deux acteurs de la société civile nigérienne ont appelé le président de leur pays à briguer un 3e mandat, ils ont été, jugés et condamnés pour complot visant à changer la constitution du pays. Cette réaction exemplaire devrait inspirer l’ensemble de la mouvance présidentielle au Bénin si tant l’on tient à ce que le pays soit toujours considéré comme un modèle de démocratie. Une réaction énergique du chef de l’Etat ou du porte-parole du gouvernement est attendue comme ce fut le cas quand le poster du président de la République a été mis à certains carrefours.
La Rédaction