Dénoncé comme un instrument de domination et de « servitude volontaire », le franc CFA est pourtant une monnaie bien enviée par les pays voisins des zones UEMOA et CEMAC, les deux régions d’Afrique de l’Ouest et du Centre qui l’utilisent.
Au moment de sa création en 1973, 2 nairas valaient 1 dollar. Mais aujourd’hui, en 2024, 1 dollar vaut plus de 1500 nairas. Et face au CFA, alors qu’un naira équivalait à plus de 350 francs dans les années 1980, le 27 octobre 2024, la situation s’est inversée : il fallait 1000 nairas pour avoir 356 francs CFA. La vie est devenue dure pour les Nigérians. De son côté, le Cedi, monnaie du Ghana, s’est lui aussi effondré au cours de ces dernières années.
Cette chute libre des monnaies souveraines de ces pays se traduit par l’augmentation des prix des biens importés, une perte de pouvoir d’achat pour les citoyens et une instabilité économique générale. Manger au Nigéria est aujourd’hui un luxe pour les ménages pauvres.
Dans ce contexte, le franc CFA, qui bénéficie d’une parité fixe avec l’Euro, apparaît comme un refuge pour les pays qui l’utilisent. Il est une monnaie stable, malgré les critiques qui lui sont souvent adressées, notamment en ce qui concerne son prétendu rôle dans le maintien de la dépendance économique vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale, la France.
Dans un environnement économique mondial de plus en plus volatile, le fait que le CFA soit lié à une devise forte comme l’Euro permet d’éviter les fluctuations dramatiques que connaissent les monnaies plus fragiles. Les pays utilisant le franc CFA ont ainsi bénéficié d’une certaine prévisibilité dans leurs échanges commerciaux et leurs investissements.
Et pourtant, depuis ces dernières décennies, le franc CFA subi une fronde, ses détracteurs qui affirment notamment que la France utilise cette devise pour s’enrichir et accroitre sa domination sur ses anciens colonies. Mais en réalité, ce débat n’a rien d’économique, il est également politique. Les mouvements populaires en faveur de l’abandon du franc CFA sont souvent animés par des discours nationalistes, sans aucun lien avec le vécu.
Les populations peuvent être attirées par l’idée d’une monnaie nationale, mais la réalité de l’inflation, des dévaluations et des crises économiques dans d’autres pays africains comme le Nigéria et le Ghana montre que la stabilité d’une devise dite souveraine n’est pas garantie.
Même les pays membres du Sahel (Burkina Faso, Mali et Niger) qui ont quitté la CEDEAO et malgré leurs critiques concernant le franc CFA et leur dépendance à la France, n’ont pas encore abandonné cette monnaie sans doute pour éviter de provoquer une instabilité financière et des incertitudes économiques.
De plus, l’utilisation du franc CFA facilite les échanges intra-africains. Les économies des pays de l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine) et de la CEMAC (Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale) sont souvent interconnectées, et une monnaie commune réduit les coûts de transaction et les risques de change. Abandonner le franc CFA pourrait donc compliquer ces échanges, rendant les économies nationales plus vulnérables aux chocs externes.
Pierre MATCHOUDO