A moins de 12 mois du scrutin présidentiel 2026 : Etrange silence

À moins d’un an de l’élection présidentielle au Bénin, aucun candidat ne s’est encore officiellement déclaré. Une situation inédite qui contraste avec les précédents scrutins, où les ambitions étaient connues bien plus tôt. Entre opposition précautionneuse et mouvance verrouillée, ce silence nourrit interrogations et spéculations.
À moins d’une année de l’élection présidentielle prévue pour 2026, un fait singulier attire l’attention des observateurs de la vie politique béninoise : aucun candidat ne s’est encore clairement déclaré. Une situation inédite dans un pays où, traditionnellement, les prétendants à la magistrature suprême se signalent bien en amont, parfois plus d’un an avant l’échéance électorale.
En 2015, par exemple, des figures comme Lionel Zinsou, Sébastien Ajavon ou encore Patrice Talon étaient déjà dans les radars politiques, chacun multipliant les signaux, les déplacements et les déclarations, même si l’officialisation de leurs candidatures était intervenue plus tardivement. Le paysage actuel, marqué par une absence quasi totale de positionnement clair, tranche radicalement avec cette habitude.
Ce silence généralisé nourrit inévitablement les spéculations. L’élection à venir pourrait bien réserver de grandes surprises, tant du côté de l’opposition que du pouvoir. Qui sont les potentiels candidats ? Pourquoi tardent-ils à se dévoiler ? Et surtout, que cache cette attente ?
Du côté de l’opposition, les difficultés sont compréhensibles. Elle peine à s’accorder sur une figure fédératrice. Si les prétendants sont nombreux, aucun ne semble s’imposer avec une aura suffisamment forte pour rassembler les différentes composantes d’un front commun. Dans un contexte politique tendu, chaque pas doit être mesuré. Il faudra marcher sur des œufs pour éviter les divisions, les ambitions personnelles pouvant très vite faire voler en éclats toute tentative d’unité.
La mouvance présidentielle, elle, se trouve dans une configuration bien différente, mais tout aussi opaque. Patrice Talon, qui a affirmé à plusieurs reprises ne pas briguer un nouveau mandat, n’a toujours pas désigné de successeur. Pourtant, il en a la capacité politique et institutionnelle. Mieux, il semble même dissuader toute velléité de candidature en interne. Les rares figures qui tentent de se positionner se heurtent à une réprobation ferme, voire à des sanctions.
Derrière cette posture, une question s’impose : que prépare le chef de l’État ? En refusant d’ouvrir le jeu au sein de sa majorité, Patrice Talon maintient une forme de suspense qui pourrait servir plusieurs objectifs. S’agit-il de garder la main jusqu’au dernier moment afin de mieux contrôler la transition ? Ou alors d’orchestrer un effet de surprise stratégique, en lançant au moment opportun un « dauphin » consensuel ? Certains analystes n’excluent pas non plus l’hypothèse d’une candidature déguisée ou d’un retour sur sa parole, en invoquant un contexte exceptionnel.
Quoi qu’il en soit, l’absence actuelle de candidats déclarés, dans les deux camps, confère à cette présidentielle une dimension particulière. Elle pourrait marquer un tournant dans la manière dont se construit la compétition politique au Bénin. Entre calculs tactiques, blocages internes et incertitudes sur l’avenir, les mois à venir s’annoncent décisifs.
Une chose est sûre : le silence qui entoure cette élection n’est pas synonyme d’inaction. Dans les coulisses, les tractations vont bon train. Le peuple béninois, lui, observe et attend. Avec curiosité. Et peut-être avec inquiétude.
Pierre MATCHOUDO